Centre d’appels et intelligence artificielle : mythes, réalités et avenir

Centre d'appels et intelligence artificielle

Depuis des années, l’intelligence artificielle est annoncée comme la prochaine grande révolution du service à la clientèle. Pourtant, entre les visions ambitieuses et le quotidien des équipes de première ligne en relation client, un écart important persiste, dont on parle trop peu.

Ce document brosse un portrait clair de l’état actuel de l’IA dans les centres d’appels, explique comment préparer efficacement vos équipes et vos processus pour les trois à cinq prochaines années, et propose un cadre stratégique pour investir dans l’IA de façon judicieuse et mesurée.


Un examen réaliste de l’IA

Le potentiel à long terme de l’IA pour offrir un service plus rapide, des flux de travail plus intelligents et réduire les coûts est indéniable. Cependant, à court terme, la réalité est toute autre.

1. L’acceptation de l’IA par les clients demeure faible en raison de solutions inefficaces

Les attentes des clients sont rarement satisfaites par les solutions libre-service alimentées par l’IA. Cela s’explique par le fait que la majorité des outils d’IA déployés en première ligne s’appuient sur une architecture de type génération augmentée par récupération (GAR) à faible coût. Cette architecture génère des réponses de style conversationnel, mais se limite essentiellement à répéter, à partir de mots-clés, l’information déjà présente dans une base de connaissances.

Or, les clients contactent un centre d’appels seulement après avoir épuisé toutes les ressources en ligne et consulté la FAQ. À ce stade, ils ont besoin de plus qu’une simple extraction d’information. Pourtant, les systèmes actuels leur offrent souvent exactement ce qu’ils veulent éviter : une boucle frustrante où ils répètent leur question sans jamais obtenir de solution concrète.

Des systèmes d’IA beaucoup plus performants existent, mais…

2. L’IA agentive demeure plus coûteuse que la dotation à l’étranger

Même en tenant compte des gains potentiels d’efficacité, les déploiements d’IA agentive de haute qualité demeurent plus dispendieux que la sous-traitance traditionnelle à l’étranger. Les frais d’exploitation augmentent rapidement en raison d’une puissance de calcul à grande échelle, des frais de licence, de l’intégration de données, du développement sur mesure, et des ressources internes nécessaires pour superviser ces projets d’IA.

3. L’IA agentive produit encore des « hallucinations »

Même lorsque les entreprises sont prêtes à absorber les coûts élevés de l’IA agentive, elles doivent composer avec un risque d’erreurs générées par le modèle. Les « hallucinations » d’IA demeurent une réalité. Malgré des progrès rapides, la technologie reste imparfaite. Dans des secteurs fortement réglementés comme les services bancaires ou la santé, où la marge d’erreur est pratiquement inexistante, ce risque devient critique.

4. Les accents régionaux : un défi hors de portée de l’automatisation

Les solutions d’IA répondent rarement aux besoins linguistiques des centres d’appels au Canada. La plupart des outils de traduction automatique reposent sur un français de style parisien, ignorant les expressions, l’accent et les nuances culturelles propres au français québécois. Cela se traduit par une expérience client moins naturelle et moins chaleureuse. Si l’automatisation peut optimiser plusieurs volets du service à la clientèle, elle peine à saisir la richesse des accents régionaux, des dialectes et du débit de parole qui rendent la communication humaine authentique. Les accents varient d’un pays, d’une région, voire d’une communauté à l’autre. Ils véhiculent l’identité, la proximité et la confiance. L’IA peut imiter la voix, mais elle ne peut pas reproduire l’authenticité culturelle d’une voix humaine ancrée dans son territoire.

5. Malgré les avancées technologiques, les personnes demeurent le véritable facteur de différenciation

Les solutions pour centres d’appels intégrant pleinement l’IA transforment déjà le secteur : elles soutiennent les agents en temps réel grâce à des résumés d’appels automatisés, des suggestions tirées de la base de connaissances et des recommandations pour accélérer la résolution des demandes. Cependant, lorsque toutes les entreprises ont accès aux mêmes outils, l’avantage concurrentiel s’estompe. La différence ne repose plus sur la technologie elle-même, mais sur la manière dont les employés sauront l’utiliser.

6. Une réglementation gouvernementale accrue de l’IA pourrait bientôt voir le jour

Il est facile d’imaginer un avenir où les agents humains seraient réservés uniquement aux marques haut de gamme. Toutefois, une intervention gouvernementale pourrait rapidement changer la donne en exigeant par exemple que tous les centres d’appels offrent la possibilité de parler à un humain (ou, à tout le moins, qu’ils divulguent clairement lorsqu’aucun agent humain n’est impliqué). Aux États-Unis, le projet de loi Keep Call Centers in America Act of 2025, déposé en juillet 2025 par les sénateurs Ruben Gallego et Jim Justice, en est un bon exemple. Ce projet de loi bipartite vise à protéger les emplois dans les centres d’appels situés aux États‑Unis et à accroître la transparence pour les consommateurs lorsqu’ils interagissent avec un service à la clientèle. S’il est adopté, il obligerait notamment les agents à divulguer leur localisation et l’utilisation éventuelle de l’IA, et accorderait aux clients le droit explicite de demander à parler à un représentant humain. L’objectif : limiter les pertes d’emplois liées à l’IA, protéger les données des consommateurs et maintenir la qualité des services. Le projet bénéficie d’ailleurs de l’appui du syndicat Communications Workers of America.

7. La crainte de passer à côté de l’IA mène à de mauvaises décisions

La peur de « manquer le virage » en matière d’IA pousse de nombreuses organisations à agir trop vite ce qui mène à des erreurs coûteuses.

  • Selon Gartner, plus de 40 % des projets d’IA agentive seront abandonnés d’ici la fin de 2027 en raison de coûts croissants, d’un manque de valeur claire ou de contrôles de risque insuffisants.

  • Une analyse du MIT Sloan Management Review révèle que les projets lancés sous la pression du battage médiatique autour de l’IA peuvent coûter jusqu’à 3,5 fois plus cher que ceux qui sont soigneusement planifiés.

  • Une étude de PwC indique que 42 % des employés s’opposent à l’adoption de l’IA lorsqu’elle est mal introduite ou perçue comme non pertinente.

Se lancer dans l’IA sans stratégie revient non seulement à gaspiller des ressources financières, mais aussi à créer des tensions internes, diminuer le moral des équipes et retarder les transformations qui auraient le plus d’impact sur l’expérience client. Selon un récent sondage du Bureau de recensement des États-Unis, les entreprises ont réduit cette année leurs investissements moyens en IA d’un demi-point de pourcentage; le premier recul observé depuis 2022.

Préparer votre entreprise à l’IA

Même si l’IA dans les centres d’appels présente encore des limites à court terme, il est inévitable que la technologie devienne de plus en plus sophistiquée, au point où son adoption ne sera plus vraiment facultative. Voici comment vous y préparer efficacement.

1. Se méfier du jargon à la mode autour de l’IA

Une grande partie du marketing « propulsé par l’IA » repose aujourd’hui sur des technologies d’automatisation déjà existantes, simplement présentées sous une nouvelle image. Ces outils peuvent être utiles, mais ils n’offrent pas toujours le niveau d’intelligence, d’apprentissage ou d’adaptabilité que le terme « IA » laisse entendre. En rebaptisant des technologies connues, comme les robots conversationnels (chatbots), les assistants IA et l’automatisation robotisée des processus (RPA), sans véritables capacités agentives, plusieurs fournisseurs alimentent l’engouement sans livrer la valeur promise. Gartner a même donné un nom à cette pratique : « agentification de façade » (agent washing). Selon leurs recherches, parmi les milliers d’entreprises qui se déclarent expertes en IA agentive, seulement environ 130 seraient véritablement légitimes.

Dans ce contexte, il devient essentiel d’évaluer les technologies selon leurs capacités réelles, et non selon un discours marketing séduisant. Lors de vos échanges avec des fournisseurs, posez des questions concrètes :

  • Le logiciel évolue-t-il réellement en fonction des données?

  • La solution se limite-t-elle à automatiser des processus ou génère‑t‑elle de l’information nouvelle et exploitable?

  • La technologie est‑elle intégrée aux flux de travail des agents ou simplement superposée?

  • Existe‑t‑il des résultats d’affaires concrets et mesurables au-delà des promesses? 

2. Résister à la tentation d’adopter une approche réactive à l’IA

Une approche précipitée et réactive à l’IA mène à l’épuisement des équipes, à des dépenses inutiles et à un taux d’échec élevé. Pourtant, de nombreuses entreprises tombent encore dans les mêmes pièges :

  • Investir dans des outils d’IA sans cas d’usage clair, sans plan de retour sur investissement ni indicateurs de performance pertinents.

  • Déployer des plateformes d’IA sans les intégrer aux processus existants, en les traitant comme des projets isolés plutôt que comme des composantes de la stratégie globale.

  • Négliger la formation et l’accompagnement des équipes, transformant des outils prometteurs, comme les robots conversationnels, en gadgets sous‑utilisés.

  • Sous-estimer l’importance des effectifs humains.

  • Ignorer les coûts cachés de propriété, notamment l’évaluation continue, l’entretien, la sécurité et la protection de la vie privée.

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe une approche structurée pour éviter la plupart de ces pièges.

« Une approche précipitée et réactive à l’IA mène à l’épuisement des équipes, à des dépenses inutiles et à un taux d’échec élevé. »

Les approches efficaces en matière d’adoption de l’IA

Les entreprises qui tirent véritablement profit de l’IA adoptent une stratégie bien différente. Elles utilisent l’IA pour renchérir le travail des agents humains, et non pour les remplacer, et commencent par des projets pilotes bien définis.

Dès le départ, ces entreprises mettent en place des équipes transversales regroupant l’expérience client, les technologies de l’information, la conformité et les ressources humaines. Elles intègrent la gestion du changement et la formation des agents, et recherchent un équilibre entre la technologie et la contribution humaine, notamment par la rétroaction continue.

Cette approche méthodique réduit les risques d’échec, renforce l’adhésion des parties prenantes et génère des résultats tangibles.

Cadre en six étapes : bâtir une étude de rentabilité de l’IA dans votre centre d’appels

Avant de lancer un projet d’IA dans votre centre d’appels, envisagez d’appliquer le cadre suivant :

1. Définir clairement les objectifs

Établissez précisément ce que vous attendez de l’IA. Souhaitez-vous un service plus rapide? Une réduction des coûts de main‑d’œuvre? Un meilleur soutien aux agents? Concentrez‑vous d’abord sur les résultats visés plutôt que sur les fonctionnalités.

2. Identifier les cas d’usage à fort impact

Priorisez les cas où l’IA peut générer le plus de valeur : triage des demandes de niveau 1, production automatisée des notes post‑contact, ou encore assistance aux agents grâce à des recommandations en temps réel.

3. Cartographier les flux de travail existants

Avant d’introduire de nouveaux outils, assurez‑vous de bien comprendre comment le travail est réellement effectué. Sauf si un processus est particulièrement lourd et inefficace, l’IA devrait s’intégrer harmonieusement au flux de travail plutôt que de le perturber.

4. Fournir une justification financière

Calculez le coût total de l’initiative (outils, intégration, formation, soutien) et projetez le retour sur investissement attendu. Adoptez une approche réaliste et prudente.

5. Évaluer les risques et le degré de préparation

Analysez vos capacités internes, la qualité des données, les exigences de conformité et l’état de votre infrastructure technologique. Identifiez clairement les points de friction potentiels.

6. Lancer un projet pilote, puis déployer progressivement

Commencez par un projet pilote restreint et contrôlé. Évaluez les résultats, recueillez les rétroactions, ajustez le modèle, puis étendez le déploiement de manière progressive.

Cette feuille de route vous permet de garantir que vos investissements en IA sont réfléchis, durables et alignés sur les objectifs de votre organisation.

De l’incertitude à la préparation

L’adoption de l’IA représente un changement majeur qui exige clarté et structure. Naviguer cette transition peut être complexe sans un partenaire de confiance. Les fournisseurs de services externalisés pour centres d’appels jouent ici un rôle clé, à la fois conseillers stratégiques et opérateurs de service. Ils contribuent à réduire les risques liés à l’intégration de l’IA et à accélérer l’obtention de résultats concrets en appuyant leurs clients dans le développement des équipes, la gestion du changement, la planification de feuilles de route et le choix des technologies.

L’IA redéfinit l’avenir des centres d’appels, mais ce sont toujours les humains qui en tiennent la barre. Le moment est venu de s’y préparer.


À propos de l’auteur

Mike est un entrepreneur informatique et un technologue chevronné avec plus de 20 ans d’expérience et occupe le poste de Chef de la direction technologique et de l’information depuis le mois de décembre 2025. Mike est responsable de définir et d’exécuter la vision technologique globale de l’entreprise, en s’assurant que les technologies, les système d’information et les infrastructures numériques soutiennent efficacement les objectifs stratégiques de l’organisation.

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